Points saillants
- Découvrez le parcours passionnant de deux productrices laitières, l’une citadine d’origine et l’autre membre de la 6e génération de producteurs. Deux parcours, une passion.
- Ana Maria et Viviane sont deux productrices investies dans la production laitière de leur ferme et leur exemple illustre bien l’évolution du rôle des femmes au sein de cette industrie.
Pour souligner la Journée internationale des femmes, les Producteurs laitiers du Canada se sont entretenus avec deux productrices chevronnées et inspirantes qui partagent leur passion pour la production laitière. Voici leur histoire.
Une citadine dans le monde agricole
Citadine, l'amour a transporté Ana Maria à la campagne. Sa relation avec un producteur laitier a marqué le début de son immersion dans le monde agricole, qui a abouti par le rachat de la ferme familiale avec son conjoint en 2013.
Tout a été fait un peu graduellement, mais dès les débuts de leur relation. « J'étais tout le temps avec lui à faire les traites, à l'aider les fins de semaine. C'est comme si je m’étais intégrée au monde agricole depuis très longtemps. »
Passer de la vie urbaine à la vie rurale amène un choc culturel. « Les premières fois, c'est sûr que c'était très impressionnant d’être une fille de la ville qui se ramasse en plein milieu du champ pour aller chercher les vaches pour la traite. C'est tout un défi, d'apprendre comment ça fonctionne ces vaches-là ! »
Cependant, le plus grand choc n’était pas la vie à la ferme, car elle apprend vite. La différence d'accessibilité aux services et aux commerces de proximité s’est avérée être un enjeu, puisque cela nécessite davantage de planification pour les déplacements. Cependant, elle insiste sur les aspects positifs : « C'est que du bonheur, que du positif pour moi de me retrouver au milieu des champs l'après-midi, t'entends rien, juste les criquets, t’es tellement bien ! »
Ana Maria a vite compris la signification du dicton “qui prend mari, prend pays”, alors que sa vie s’est entrelacée avec la production laitière, sa belle-famille et les défis de la relocalisation. « Ma belle-mère est à trois pas de marche, c'est toute une autre façon de vivre ! » Une proximité appréciée, car l’aide est immédiatement disponible, ce qui aide à concilier le rôle de mère avec celui de productrice laitière.
Bien qu’Ana Maria ait d'abord eu sa propre carrière à l'extérieur de la ferme, elle s'est pleinement engagée en production laitière à la naissance de leur quatrième enfant. Son expérience de vie professionnelle urbaine amène une perspective unique à la ferme. Elle est bien consciente d’avoir moins d’avantages sociaux et insiste sur l'importance de se reposer malgré les défis du monde agricole, en prenant du recul, des congés et des vacances.
En ce sens, l'intégration de la technologie aide grandement. L'adoption de robots de traite en 2014 a considérablement transformé le travail, allégeant la charge de travail physique et offrant une plus grande flexibilité pour concilier le travail et la famille.
Si la famille l’a adoptée rapidement, il demeure que l’arrivée d’une citadine en campagne amenait son lot de doute et de suspicion dans la communauté au début. « C’est sûr qu’au départ, c’était : Ah, qu’est-ce qu’elle va trouver à dire ? » dit-elle en riant.
Maintenant, Ana Maria s’investit au niveau associatif, où elle constate que les femmes font leur place. Vice-présidente des Producteurs de lait de Montérégie-Ouest, elle en deviendra présidente dans quelques semaines. « Mes première fois dans les grandes réunions de producteurs de lait, on ne voyait pas beaucoup de femmes et en moins de 10 ans, il y a vraiment eu un grand changement ; ça commence à changer de couleur dans la salle. »
Ana Maria encourage les jeunes femmes à poursuivre leur passion pour la production laitière. Elle souligne les aptitudes uniques des femmes dans le domaine, surtout pour la gestion de troupeau, affirmant que les jeunes filles ont des dispositions particulières. « C’est comme un sens qu’on a de plus avec les animaux, surtout avec les petits veaux. On sait qu’il faut bien prendre soin d’un veau nouveau-né. On se sent responsable tout de suite, c’est comme un instinct de plus! »
La production laitière … et fromagère!
Viviane est une productrice laitière passionnée de 6e génération, pleinement engagée dans les opérations de la ferme depuis deux ans. Trois générations travaillent présentement sur la ferme, ce qui renforce les liens familiaux. « Ça fait partie du mode de vie de l'agriculture. On travaille tous sur un objectif commun. Toute la famille travaille ensemble, tous les jours. »
Grandir sur une ferme laitière amène rapidement des responsabilités. Viviane souligne le rôle précoce qu’elle a joué au quotidien et sa connexion profonde avec les animaux. « Au plus jeune âge, on a des tâches - toutes simples, mais on est quand même outillé pour avoir des responsabilités. »
Est-ce à dire que Viviane et son conjoint ont déjà un plan de relève pour que la septième génération reprenne la ferme familiale ? « On va essayer d’avoir notre premier bébé, qui est la fromagerie ! » dit-elle dans un éclat de rire. « Après ça, on va pouvoir se concentrer sur l’avenir. »
Le projet de fromagerie transformera l’entreprise de manière importante. « C’est un rêve de petite fille, depuis que je suis haute comme trois pommes ! » Ce rêve de transformer elle-même le lait produit à la ferme est en cours d’exécution. Le tout a commencé par des études à l’Institut de technologie agroalimentaire du Québec en transformation des produits alimentaires, puis la reprise de la ferme et, au cours de l’année, ce sera les travaux de construction de la fromagerie qui débuteront. Le métier qu’elle voulait faire prend forme.
Avec la fromagerie, Viviane se donne la mission de sensibiliser les consommateurs aux pratiques agricoles et d’offrir des produits de qualité directement, tout en diversifiant les sources de revenus.
Ce rêve, Viviane a pu l’accomplir entre autres parce que sa famille a su surmonter les préjugés liés au fait qu'elle et sa sœur étaient passionnées par la production laitière, tandis que leur frère ne l'était pas du tout. « Mon père savait pas mal que sa relève allait être féminine ! »
La ferme a été adaptée en conséquence, de manière proactive pour que la transition s'effectue éventuellement en douceur. La mise en place de technologies s'est avérée particulièrement bénéfique, permettant une reprise aisée des rênes, en atténuant le fardeau physique, en améliorant l'efficacité, bénéficiant ainsi l'ensemble de l'équipe familiale, hommes et femmes confondus.
Selon Viviane, les défis rencontrés par les femmes dans le secteur agricole demeurent significatifs et il faut valoriser le métier. Elle souligne que la femme a toujours joué un rôle crucial à la ferme. « Je fais ce que ma grand-mère faisait, mais ma grand-mère travaillait dans l'ombre. Avant, le travail était fait par les femmes, sans obtenir le crédit, sans être le visage de la ferme. »
Viviane constate une évolution majeure, les femmes prenant davantage de place et leurs rôles décisionnels sont reconnus. Cette transformation a été particulièrement perceptible à la ferme familiale lorsque sa grand-mère a acquis des parts en 1987, marquant ainsi le début d'une transition vers une famille agricole plus égalitaire.
Viviane souligne aussi la nécessité de persévérer malgré les stéréotypes persistants, héritage du passé. Et dans son cas, en plus d’être une femme, son âge est un facteur. « Souvent je me suis fait dire de retourner à l'école ! Un vendeur qui arrive sur la ferme et me voit, il ne va pas nécessairement vérifier que je suis la propriétaire avant de demander de parler au propriétaire. » La surprise peut se lire sur leur visage quand Viviane leur annonce que c’est elle la patronne.
Viviane veut quand même encourager les jeunes générations à suivre leur passion et à continuer de contribuer au secteur agricole avec détermination. Les hommes et les femmes partagent les mêmes objectifs, mais l’approche et les valeurs sont différentes. « Un exemple très banal : nommer les animaux. Toutes les femmes à la ferme, on marque les noms des vaches, et on l’associe avec sa personnalité plus directement, puis avec la production. »
Cette valeur profonde d’attachement à chaque vache se traduit par une relation personnelle et attentive. Pour Viviane, cela met en lumière une approche féminine plus directe et personnalisée envers les animaux et la production, au plus grand bénéfice de l’entreprise.